Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

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Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

lundi 18 juin 2012

É.D.I.T./61-2012 Suicide assisté--Inconstitutionnalité--art. 241 CCR

1. Extrait du journal Le Devoir du 16 juin 2012 :    
«Les lois contre le suicide assisté sont inconstitutionnelles
Le plus haut tribunal de la Colombie-Britannique juge que les lois empêchant le suicide assisté sont inconstitutionnelles. Dans un jugement de 395 pages dévoilé plus de 15 ans après la rebuffade de Sue Rodrigez devant la Cour suprême du Canada, la magistrate Lynn Smith a déclaré les lois invalides. Elle a toutefois suspendu son jugement pour une période d'un an afin de laisser au Parlement fédéral le temps de modifier la législation en prenant sa décision en considération.

" Les malades devraient avoir le choix de mourir dans la dignité ", a souligné à grands traits la magistrate.
La juge a également accordé une exemption à Gloria Taylor, une femme souffrant de la maladie de Lou Gehrig. La résidante de Kelowna, en Colombie-Britannique, pourra solliciter l'aide d'un médecin durant la période où le jugement est suspendu, si elle le souhaite.
Gloria Taylor s'est jointe à l'action en justice l'an dernier, soutenant qu'elle voulait avoir le droit de mourir dans la dignité en comptant sur le soutien d'un médecin.
La décision de la juge Lynn Smith a été immédiatement saluée, notamment par l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, et aussitôt condamnée, entre autres par la Coalition pour la prévention de l'euthanasie.
" Elle a accueilli la décision en pleurant. Elle éprouve un grand soulagement ", a fait savoir son avocat, Joe Arvay, de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique.
" Je suis profondément reconnaissante de pouvoir savoir que j'aurai un choix à la fin de ma vie ", a écrit Gloria Taylor dans une déclaration qui a été transmise par son avocat. " Il s'agit d'une bénédiction pour moi, a poursuivi Mme Taylor. Cela me permet de me préparer à la mort comme j'ai tenté de vivre ma vie, avec dignité, indépendance et grâce. "
" C'est presque inhumain, au fond, de condamner quelqu'un à vivre et à souffrir, alors qu'on sait que les soins palliatifs ne soulagent pas tout le monde ", a dit la présidente de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, Hélène Bolduc.
Mais selon le médecin Will Johnston, de la Coalition pour la prévention de l'euthanasie, ce jugement est inquiétant et risque fort bien d'être porté en appel. " Nous conseillons aux Canadiens de rester sceptiques quant à la possibilité d'obtenir plus de choix et plus d'autonomie à la fin de leur vie ou à n'importe quel moment de leur vie en accordant un pouvoir et une protection constitutionnelle à quiconque voudrait arranger leur suicide ou leur mort ", a affirmé le Dr Johnston lors d'une conférence de presse qui s'est tenue à l'extérieur de la salle d'audience. " Nous croyons que c'est naïf ", a-t-il laissé tomber.
Discrimination
La juge soutient que les lois sont discriminatoires pour les personnes gravement malades ou pour celles qui ont une déficience physique et qui souhaitent exercer un certain contrôle sur les circonstances entourant la fin de leur vie.
Lynn Smith reconnaît qu'il y a des risques à donner le feu vert au suicide médicalement assisté, mais elle estime qu'il y a moyen d'encadrer la pratique en établissant des balises soigneusement établies et en supervisant étroitement le tout.
En entrevue à Radio-Canada, l'avocat spécialisé en droit de la santé Jean-Pierre Ménard a affirmé qu'" on pourrait tout autant protéger les personnes vulnérables en encadrant comme il le faut, avec une série de mesures de protection juridique appropriées, comme le consentement des personnes, l'obligation de signaler, etc. ".»
*** D'après La Presse canadienne


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Carter v. Canada (Attorney General),  2012 BCSC 886 ,rendue le 15 juin 2012.
Lorsque les médias parlent de «lois contre le suicide assisté», ils réfèrent aux article du Code criminel portant sur le sujet; il s’agit des articles 14, 21, 22, 222 et 241 CCR dont la constitutionnalité est attaquée (cf § 100 et ss. pour les textes). La décision comprend 1416 paragraphes.

Les §§ 185 et ss. examinent l’état actuel de la pratique au Canada en ce qui concerne les soins palliatifs et de fin-de-vie (Current State of the Law and Practice in Canada Regarding End-Of-Life Care).

3. Commentaires, questions

Les §§ 108 à 136 donnent l’historique des rapports  et travaux parlementaires sur le sujet depuis 20 ans environ, date de l’arrêt-clé Rodiguez [Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 RCS 519, longuement analysé aux §§ 885 et ss.; la juge accepte en preuve les travaux récents du Québec (§ 135).

On passe en revue la situation juridique de plusieurs pays et ressorts(§§ 389 et ss.)

Cette décision intervient au moment ou le Gouvernement du Québec tarde à intervenir :
«Aide à mourir: Québec repousse sa décision Le Devoir 2012 06 15 Les médecins devront encore patienter avant de savoir s'ils s'exposent à des poursuites criminelles en abrégeant les souffrances des grands malades à l'agonie. Le gouvernement a choisi de reporter à plus tard sa décision sur cette question délicate, laissant en suspens la recommandation de la commission parlementaire sur la mort dans la dignité. Dans un rapport étoffé rendu public en mars [ www.assnat.qc.ca/fr/document/54787.html ] ,                   la commission recommandait au procureur général, le ministre Jean-Marc Fournier, de donner une directive au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) enjoignant aux procureurs de renoncer à poursuivre un médecin qui aurait aidé un patient à mourir. Trois mois plus tard, le ministre Fournier en est venu à la conclusion qu'il devait s'assurer, avant d'aller de l'avant, que le gouvernement était en terrain solide, tant sur le plan juridique que constitutionnel, le droit criminel relevant d'Ottawa.   Le ministre a donc confié hier à un comité, dirigé par Me Jean-Pierre Ménard, la responsabilité d'examiner la question sous tous les angles et de produire un rapport d'ici octobre. Il devra surtout fournir une analyse juridique du concept d'" aide médicale à mourir ". »


4. Lien avec les modules du cours
Les notions pertinentes sont présentée au Module 12.
La Charte canadienne, dont l’article 1 réécrit le droit depuis 1982, est brièvement présentée au Module 4.
L’analyse détaillée de la portée de l’article 1 fait l’objet d’un enseignement précis et détaillé en Faculté de droit :  DRT-2552 Droits et libertés de la personne.

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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval