Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

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Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

dimanche 21 octobre 2012

É.D.I.T./65-2012 Ordinateur--Travail--Fouille--Vie privée


1. Extrait du journal Le Devoir des 20 et 21 octobre 2012 :
«  Cour suprême - La vie privée reste privée, même au travail/Fabien Deglise

Sous l'effet de la technologie, la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle tend de plus en plus à s'effacer et cette mutation, la justice va devoir désormais en tenir compte. C'est en tout cas ce que vient d'établir la Cour suprême en reconnaissant le droit des Canadiens à la protection de leur vie privée, y compris sur les ordinateurs, les téléphones cellulaires et autres équipements fournis par une entreprise pour l'exercice de son travail. Dans une décision prise à six contre un, les juges du plus haut tribunal au pays viennent donc de clarifier une question relative à la vie privée et à la propriété des données personnelles dans un ordinateur fourni par un employeur. " Jusqu'à maintenant, les tribunaux étaient très divisés sur la nature de cette propriété ", dit Pierre Trudel, professeur de droit et titulaire de la Chaire sur le droit des technologies de l'information et du commerce électronique de l'Université de Montréal. " La Cour confirme donc que les attentes élevées en matière de respect de la vie et que les employés ont droit à ce respect, y compris dans le cadre des technologies liées à leur travail. "  
Affaire Cole
L'affaire a été amenée devant la Cour suprême par Richard Cole, un enseignant d'une école en Ontario accusé d'avoir emmagasiné des photos à caractère sexuel dans son ordinateur professionnel. Une de ces photos avait été interceptée par l'enseignant dans un échange entre une jeune fille et un étudiant de l'école. Elle a été découverte, avec d'autres, par les services informatiques de l'établissement lors d'une vérification de sécurité de son appareil. La direction de l'école a alors saisi l'ordinateur pour le transmettre à la police qui, dans la foulée, a porté des accusations de possession de matériel pornographique contre l'enseignant.
Les avocats de M. Cole ont contesté la saisie de l'ordinateur sans mandat, ce qu'un juge de la Coup d'appel de l'Ontario a confirmé en excluant cette preuve lors du procès, sur la base de l'article 8 de la Charte des droits et libertés protégeant les Canadiens contre les perquisitions et les intrusions abusives du gouvernement dans la vie privée.
Dans son jugement, la Cour suprême explique qu'un corps policier ne peut pas se satisfaire de l'autorisation d'un employeur, propriétaire d'un ordinateur, pour saisir et fouiller un ordinateur. Cela ne peut se faire que sous encadrement judiciaire. Du coup, le tribunal estime que la vie privée de M. Cole a alors été violée.
Notons que, même si d'ordinaire, une violation d'un droit garanti par la Charte entraîne de facto l'exclusion d'une preuve saisie illégalement, dans ce cas, la Cour suprême a décidé de maintenir cette preuve, jugeant la violation mineure et reconnaissant que, dans ce dossier, les policiers avaient agi de bonne foi.
Par effet d'entraînement, cette décision de la Cour, même si elle ne touche pas la question de la surveillance du contenu d'un ordinateur par son employeur, devrait toutefois sensibiliser ces mêmes employeurs au cadre dans lequel cette surveillance peut s'opérer, croit M. Trudel. " Désormais, ils vont devoir se montrer plus prudents et surtout faire preuve d'une plus grande transparence envers leurs employés ", dit-il.»

2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision  R. c. Cole, 2012 CSC 53 rendue le 19 octobre 2012.

3. Commentaires, questions
Cette décision établit une distinction entre la propriété d’un objet (ici un ordinateur) et celle de son contenu. La question de savoir si un employeur peut empêcher tout usage personnel des objets technologiques demeure non entièrement résolue et relève du droit du travail.
Par ailleurs on peut se demander si les cessions contractuelles de droits couramment effectuées en faveur des réseaux sociaux et autres cyber-entreprises lors de l’ouverture d’un compte pourraient se voir remises en question en vertu du principe que les données appartiennent à la personne.

4. Lien avec les modules du cours
La notion de vie privée est abordée au Module 11 dans le cadre de la Loi d’accès à l’information. Le relations employeur-employé relèvent du droit du travail, objet du Module 17.
Les fouilles  liées à la présence d’un acte criminel sont mentionnées dans le cadre de lla procédure pénale (Module 20). La  Charte canadienne des droits et libertés est présentée au Module 4.

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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval