Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

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Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

jeudi 1 décembre 2011

É.D.I.T./55-2011 Intoxication volontaire vs trouble mental (aa 16 et 33.1 CCR)

1. Extrait du Journal de Québec le 30 novembre 2011 :
«La Cour suprême du Canada maintient que le Gaspésien Tommy Bouchard-Lebrun, condamné à cinq ans de prison après avoir battu violemment un sexagénaire, est tenu criminellement responsable de ses actes et ce, même s'il souffrait de psychose provoquée par la consommation de drogues au moment du crime.
Le plus au tribunal du pays a ainsi rendu un jugement unanime, mercredi, dans lequel il rejette l'appel de l'accusé. Ce dernier soutenait que la Cour d'appel du Québec avait fait erreur en refusant de le déclarer non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux.
Tommy Bouchard-Lebrun, âgé de 24 ans à l'époque, avait consommé des stupéfiants le soir de l'incident survenu le 24 octobre 2005. Il s'était alors rendu avec son ami Yohan Schmout, 20 ans, dans une résidence d'Amqui pour aller battre Danny Lévesque, car ce dernier portait une croix à l'envers. Il s'agissait selon eux d'un signe qu'il était l'antéchrist.
Durant l'altercation, un voisin de palier, Roger Dumas, 61 ans, est intervenu. L'accusé lui a asséné plusieurs coups de pied à la tête, alors qu'il gisait par terre après avoir été projeté en bas des escaliers.
La victime a été gravement blessée et est même devenue invalide. Elle a dû terminer ses jours à l'hôpital, où elle est décédée par la suite d'une maladie.
Bouchard-Lebrun a pour sa part été condamné à cinq ans de prison, notamment pour tentative d'entrée par effraction et voies de fait graves.
En première instance, l'accusé soutenait qu'au moment des gestes posés, il était sous l'effet d'une phychose occasionnée par l'influence de son ami et avait invoqué la défense d'intoxication volontaire.
La Cour du Québec a conclu, à la lumière de la preuve d'expert, que la psychose était due à la consommation de drogues. Elle l'a alors reconnu coupable de voies de fait graves.
En appel, la Cour a ensuite rejeté la défense de "troubles mentaux" de Bouchard-Lebrun, jugeant que la jurisprudence ne permettait pas à un accusé souffrant d'une psychose causée par la consommation de drogues dans de telles circonstances d'invoquer une telle défense.
Dans sa décision rendue relativement à cette affaire, la Cour suprême a confirmé ce point de droit et y a apporté certaines clarifications.»


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII), http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2011/2011csc58/2011csc58.html
Résumé de SOQUIJ : Une psychose toxique peut faire partie des états d'intoxication visés par l'article 33.1 C.Cr.; en l'espèce, la Cour d'appel du Québec n'a pas commis d'erreur de droit en concluant à l'application de cet article plutôt qu'à celle de l'article 16 C.Cr. dans le cas de l'accusé, inculpé pour voies de fait graves commises alors qu'il était dans un état psychotique provoqué par la consommation de drogues.

Les §§ 89 à 91 résument le cadre d’application de l’a 33 CCR.


3. Commentaires, questions
Cette décision marque une différence important avec l’«Affaire Turcotte» de 2011 (non-responsabilité criminelle pour cause de trouble mental), quoique elle contienne une analyse de l’a 16 CCR (aux §§ 55 et ss) qui sera sûrement utile pour le dossier Turcotte en Cour d’appel du Québec le temps venu.
Il s’agit ici d’une infraction relativement récente --introduite au CCR par LC 1995 c 32-- qui «coupe l’herbe sous le pied», si on nous permet cette expression dans le contexte des drogues! à l’accusé qui s’est volontairement intoxiqué et qui commet un crime. Il ne peut avoir l’excuse en défense de dire : «j’étais sous l’effet d’une drogue, je ne pouvais pas avoir l’intention» (mens rea). Si la Couronne voit ainsi son fardeau allégé quant à l’intention de commettre un crime, elle doit quand même prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait l’intention de s’intoxiquer en consommant une substance.
La clé : « l’art. 33.1 C. cr. ne devrait pas être interprété de manière à limiter la portée de l’art. 16 C. cr. L’intoxication et l’aliénation mentale demeurent deux concepts juridiques distincts. En tant que défenses à des accusations criminelles, elles répondent à des logiques différentes et sont régies par des principes qui leur sont propres.» Le juge LeBel au §36.

4. Lien avec les modules du cours
La santé mentale en général est étudiée au Module 12.
La Partie XX.1 CCR (Troubles mentaux) est commentée au Module 20.

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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval