Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

Bienvenue

Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

vendredi 6 juin 2008

É.D.I.T./26 -2008/Rev.1 L'eau--Ressource collective

Mise à jour du 11 septembre 2008

1. Extrait du bulletin de nouvelles de Radio-Canada, le 5 juin 2008:

« Environnement / Eau : Préserver l'or bleu
Le gouvernement du Québec veut se faire le gardien de l'eau dans la province. Jeudi, la ministre des Ressources naturelles, Line Beauchamp, a présenté un projet de loi qui clarifie le statut juridique de l'eau. Le projet de loi veut ainsi déclarer l'eau ressource collective, ce qui permettra notamment de poursuivre au civil les entreprises qui détruisent la ressource.

Également, le projet de loi resserre considérablement les conditions de prélèvement de l'eau. Si la loi est adoptée telle que présentée, tous les prélèvements d'eau de 75 000 litres ou plus par jour devront être d'abord autorisés par le gouvernement. La période de validité des prélèvements sera limitée à 10 ans et sera révocable en tout temps.
Pas une nationalisation

Déclarer l'eau ressource collective n'est pas nationaliser l'eau. En disant que l'eau est une ressource collective, le gouvernement en devient le fiduciaire, donc le gardien. En nationalisant l'eau, il en devient le propriétaire.

Le projet de loi 92 est une première étape vers l'imposition de redevances sur l'exploitation de l'eau. Actuellement, les grands utilisateurs d'eau, comme les secteurs industriel et agricole, ne paient rien pour l'exploiter, mais à compter de 2009, ils pourraient devoir acquitter une redevance à l'état québécois. Les redevances sur l'eau pourraient rapporter environ 5,5 millions de dollars par année au gouvernement.

« Je considère anormal que les gens puissent utiliser de l'eau, qui est une ressource collective, et n'avoir rien à payer pour ce faire. [...] Je pense qu'il est important d'appliquer une redevance sur les grands utilisateurs d'eau au Québec », a déclaré la ministre Beauchamp.

La ministre a pris soin de préciser que les redevances ne toucheraient pas la population en général, car les particuliers paient déjà des frais par le biais de leurs taxes municipales.

Le Parti québécois a immédiatement réagi et accusé le gouvernement d'avoir plagié un de ses projets de loi et de s'attribuer le mérite de l'action. Selon le PQ, les redevances auraient dû aussi être incluses dans le projet de loi.

« La ministre a toujours dit, comme ses prédécesseurs qu'elle était d'accord avec le principe de redevance. [...] Quand on regarde le projet de loi, à part une orientation, il n'y a rien de très clair par rapport à ça. C'est une occasion ratée », dit le député Denis Trottier.»



2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit du projet de loi 92, déposé le 5 juin 2008. Le titre est «Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection» [http://www.assnat.qc.ca/fra/38legislature1/Projets-loi/Publics/08-f092.htm].

La loi comporte 38 articles. Le noeud se trouve à l'article 17 qui ajoute 33 nouveaux articles à la LQE (aa. 31.74 à 31.107).

On peut suivre les étapes à l'Assemblée nationale au lien suivant :
http://www.assnat.qc.ca/fra/38Legislature1/Projets-loi/etat-051.htm#et08f092
et obtenir le textes des débats au lien suivant :
http://www.assnat.qc.ca/Indexweb/Recherche.aspx?cat=sv&Session=jd38l1se&Section=projlois&Requete=92%20-%20Loi%20affirmant%20le%20caract%E8re%20collectif%20des%20ressources%20en%20eau%20et%20visant%20%E0%20renforcer%20leur%20protection

3. Notes explicatives du projet

Ce projet de loi a d'abord pour objet de confirmer le statut juridique de l'eau
: l'eau, de surface ou souterraine, constitue une ressource collective, qui fait partie du patrimoine commun de la nation québécoise. Il énonce certains principes qui prennent appui sur ce statut, portant notamment sur l'accessibilité à l'eau potable ainsi que sur le devoir de prévenir les atteintes aux ressources en eau et de réparer les dommages qui peuvent leur être causés. Il institue un recours de nature civile permettant au Procureur général d'exiger la réparation de tout préjudice écologique subi par les ressources en eau, entre autres par une remise en état ou par le versement d'une indemnité financière.

Le projet de loi définit par ailleurs des règles de gouvernance de l'eau fondée sur une gestion intégrée et concertée, à l'échelle du bassin versant, ainsi que sur la prise en compte des principes du développement durable. Il prévoit les conditions dans lesquelles seront élaborés et mis en œuvre les plans directeurs de l'eau.

Le projet de loi établit en outre un nouveau régime d'autorisation pour les prélèvements d'eau qui renforce la protection des ressources en eau. Ce nouveau régime reconnaît la nécessité de satisfaire en priorité les besoins de la population et de concilier ensuite les besoins des écosystèmes et des activités à caractère économique. Le projet de loi limite la période de validité des prélèvements d'eau à 10 ans, sauf exceptions. Il accorde au ministre et au gouvernement le pouvoir de restreindre ou de faire cesser tout prélèvement d'eau qui présente un risque sérieux pour la santé publique ou pour les écosystèmes aquatiques, sans indemnité de la part de l'État.

Le projet de loi pourvoit également à la mise en œuvre, au Québec, de l'Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Il interdit de transférer hors du bassin du fleuve Saint-Laurent de l'eau qui y est prélevée, sauf exceptions. Par ailleurs, les prélèvements nouveaux ou l'augmentation des prélèvements existants dans ce bassin seront aussi soumis, dans les conditions définies par la loi, à de nouvelles règles destinées à renforcer la protection et la gestion des ressources en eau.

De plus, le projet de loi intègre, dans la Loi sur la qualité de l'environnement, l'interdiction des transferts d'eau hors Québec qui se trouve dans la Loi visant la préservation des ressources en eau.

Enfin, le projet de loi énonce des mesures transitoires applicables aux prélèvements d'eau existants.


4. Commentaires, questions
D'autres lois traitent de l'eau sous divers angles : Code civil, Code criminel, Loi sur la qualité de l'environnement etc.
On est loin d'une loi-cadre sur l'eau, mais c'est un pas dans la bonne direction.
La principale subtilité à notre avis consiste à ne pas confondre la notion de «ressource collective» avec celle de propriété d'État. L'eau ressource collective n'entre pas pour autant dans le domaine de l'État; l'eau est au-delà de toute propriété...sauf exception prévue à la loi. 
C'est d'ailleurs actuellement le sens de l'article 913 C.c.Q. :
«Certaines choses ne sont pas susceptibles d'appropriation; leur usage, commun à tous, est régi par des lois d'intérêt général et, à certains égards, par le présent code.
L'air et l'eau qui ne sont pas destinés à l'utilité publique sont toutefois susceptibles d'appropriation s'ils sont recueillis et mis en récipient.»



L'Annexe de la loi comporte une carte :

ANNEXE 0.A (article 31.89)

CARTE DÉLIMITANT LA PARTIE DU TERRITOIRE DU QUÉBEC COMPRISE DANS LE BASSIN DU FLEUVE SAINT-LAURENT VISÉ PAR L'ENTENTE SUR LES RESSOURCES EN EAUX DURABLES DU BASSIN DES GRANDS LACS ET DU FLEUVE SAINT-LAURENT

Note : cette carte n'est visible que dans la version pdf du projet:
[http://www.assnat.qc.ca/fra/38legislature1/Projets-loi/Publics/08-f092.pdf]

4. Lien avec les modules du cours

Le Code civil, bien sûr, dont le livre 4 sur le biens traite l'eau (sans jeu de mot) est présenté au module 2.

L'eau comme ressource naturelle et certains aspects juridiques sont étudiés au module 9. On notera que la «Loi visant la préservation des ressources en eau», L.R.Q., c. P-18.1 sera abrogée lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

L'environnement est mentionné au module 4 et l'agriculture/alimentation font l'objet du module 16.

Qui êtes-vous ?

Ma photo
Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval