Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

Bienvenue

Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

vendredi 21 mars 2008

É.D.I.T./21-2008 Langue et langues--Trois nouvelles

Le 21 mars 2008

1. Les hasards de l'actualité du 20 mars 2008 ont remis de l'avant la question de la langue au Canada et au Québec, terres fertiles de la jurilinguistique et des droits linguistiques.


2. Manchettes du site web de Radio-Canada

L'Alberta devra payer
La Cour d'appel ordonne à la province de verser 300 000 $ à Gilles Caron, qui réclame un procès dans sa langue, afin de couvrir ses frais juridiques.

Le plan St-Pierre
La ministre responsable de la Charte de la langue française annonce une série de mesures, dont une hausse de 25 % du budget de l'OQLF, ce qui permettra notamment l'embauche de 20 inspecteurs supplémentaires.

Lord demande 1 milliard
L'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick recommande au gouvernement Harper d'investir au moins 1 milliard de dollars sur cinq ans pour aider les minorités francophones et anglophones du pays. Les réactions sont variées.

3. Commentaires

Ces trois questions illustrent la complexité et la multiplicité des aspects juridiques de la question linguistique dont on a ici trois illustrations : la langue de la justice, la langue officielle du Québec et les droits des minorités linguistiques au Canada.

Dans l'affaire albertaine, rappelons que le gouvernement fédéral a aboli le Programme de contestation judiciaire qui avait permis le financement de certaines poursuite qui ont contribué à l'avancement des droits linguistiques au Canada école à l'Île-du-Prince-Édouard, hôpital en Ontario etc.
Au Québec, le plan annoncé n'implique aucun changement législatif--car la loi est là--mais apporte des mesures d'inspection et donc renforce l'application de la loi.
Le Rapport Lord, «Rapport sur les consultations du gouvernement du Canada sur la dualité linguistique et les langues officielles» est disponible à l'URL:
[http://www.pch.gc.ca/pc-ch/conslttn/lo-ol_2008/lord-fra.pdf].

4. Lien avec les modules du cours

La Charte de la langue française est présentée au module 4.
Les questions linguistiques et culturelles sont abordés au module 10.
La langue de la justice se rattache au module 7 (aspect non développé).
L'égalité juridique des langues au Canada relève du droit constitutionnel,
particulièrement depuis la Charte de 1982.
L'Annexe D du Rapport Lord (précité au par. 3) présente une intéressante synthèse du cadre juridique des langues officielles.

lundi 3 mars 2008

É.D.I.T./20--2008 Peines minimales--Respect par les tribunaux



Le 3 mars 2008

1. Extrait du journal Le Devoir des 1er et 2 mars 2008 p.A 3 :

«Peines minimales - Les juges doivent respecter les législateurs

Le jugement de la Cour suprême est d'autant plus important que les conservateurs jouent la carte de la loi et de l'ordre

La Cour suprême a reconnu le bien-fondé des peines minimales, hier, dans une décision aux répercussions politiques importantes qui a pour effet d'encadrer le pouvoir discrétionnaire des juges tout en rétablissant une sentence de quatre ans de pénitencier pour un policier albertain reconnu coupable d'homicide involontaire.

Cette décision envoie un message sans équivoque aux juges du pays: leur pouvoir discrétionnaire n'est pas absolu. Les juges sont tenus de respecter l'intention du législateur lorsque celui-ci a prévu des peines minimales pour certains types de crimes.

«Il faut tenir pour acquis que le législateur a expressément choisi de ne pas accorder de pouvoir discrétionnaire aux juges lorsqu'il a décidé de prescrire une peine minimale obligatoire», tranche la juge en chef, Beverley McLachlin, au nom de ses huit collègues.

La cour ne règle pas tout à fait la question des exemptions constitutionnelles, ces instruments qu'utilisent les juges à l'occasion pour contourner l'obligation d'imposer des peines minimales. Mais elle signe presque leur arrêt de mort. «Aucune disposition n'autorise les juges à déroger à la peine minimale obligatoire, même dans les cas exceptionnels où elle entraînerait l'infliction d'une peine exagérément disproportionnée. [...] La loi prescrit un seuil de sévérité minimal de la peine, que les juges ne peuvent pas franchir», poursuit le plus haut tribunal du Canada.

Cet arrêt fort attendu donne indirectement un sérieux coup de pouce au gouvernement de Stephen Harper. Une trentaine d'infractions au Code criminel sont présentement assorties de peines minimales. Le sort de ces dispositions et du récent projet de loi-cadre contre la criminalité des conservateurs pesait donc dans la balance.

Les conservateurs ont en effet rehaussé les peines minimales pour une série d'infractions graves commises au moyen d'une arme à feu dans leur loi-cadre adoptée cette semaine par le Sénat. Dans un autre projet de loi à l'étude aux Communes (C-26), les conservateurs cherchent à introduire une peine minimale de deux ans de prison pour la production et le trafic de marijuana lorsque les infractions sont commises soit par le crime organisé, soit avec des gestes de violence, soit au détriment des mineurs.

Au coeur du litige

L'affaire tranchée hier par la Cour suprême implique Michael Ferguson, un ex-policier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de l'Alberta. Dans la nuit du 2 au 3 octobre 1999, à Pincher Creek, l'agent Ferguson a abattu Darren Varley de deux coups de feu à l'abdomen et à la tête, alors que la victime se trouvait dans une cellule.

Le policier a fourni des versions contradictoires des événements. Lors de son procès, Ferguson a déclaré que Varley s'était rué sur lui et qu'il avait saisi son pistolet. Il luttait encore avec le prévenu pour récupérer l'arme lorsque les coups de feu sont partis. Un jury a reconnu le policier coupable d'homicide involontaire. Dans une déclaration postérieure, Ferguson a affirmé qu'il avait repris la maîtrise de son arme lorsqu'il a tiré les deux coups de feu.

Dans les cas d'homicide involontaire au moyen d'une arme à feu, la peine minimale est de quatre ans de pénitencier. Le juge du procès, Ged Hawco, a cependant accordé une exemption constitutionnelle à l'agent Ferguson et l'a condamné à une peine de deux ans à purger dans la collectivité (une décision renversée en Cour d'appel).

Le juge Hawco est allé beaucoup trop loin dans sa décision, en formulant des hypothèses qui allaient à l'encontre de la preuve pour atténuer la culpabilité de Ferguson, affirme la Cour suprême. Le juge albertain a estimé que l'agent Ferguson avait tiré le premier coup de feu en légitime défense et le second, de façon instinctive et quasi automatique en raison de son entraînement de policier. Dans son raisonnement erroné, le juge a donc considéré que Ferguson n'était pas en colère et qu'il n'avait pas pris de décision consciente en logeant une balle dans la tête de Varley. C'est pourquoi il lui a accordé une exemption constitutionnelle et une peine avec sursis.

La décision ne change rien au statut de Ferguson, qui est aujourd'hui en liberté conditionnelle. Au moment de rétablir sa sentence de quatre ans de pénitencier, en 2006, la Cour d'appel de l'Alberta a retranché les deux années qu'il avait passées dans la collectivité. L'ancien policier a séjourné un grand total de deux mois en prison.»


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision R. c. Ferguson, 2008 CSC 6 (CanLII),[http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2008/2008csc6/2008csc6.html], rendue le 29 février 2008.
La décision comporte 75 paragraphes.


3. Les questions que la Cour devait trancher

Droit constitutionnel — Charte des droits — Peine cruelle et inusitée — Détenu incarcéré dans une cellule du détachement de la GRC abattu par un policier au cours d’une altercation — Policier déclaré coupable d’homicide involontaire coupable avec usage d’une arme à feu — Peine minimale obligatoire de quatre ans prescrite par le Code criminel — La peine minimale constitue‑t‑elle une peine cruelle et inusitée dans les circonstances de l’affaire? — Dans l’affirmative, le juge du procès peut‑il accorder une exemption constitutionnelle écartant l’emprisonnement minimal de quatre ans et infliger une peine moins sévère? — Loi constitutionnelle de 1982, art. 52 — Charte canadienne des droits et libertés, art. 12, 24(1)Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, art. 236(a).

Droit constitutionnel — Charte des droits — Réparation — Exemption constitutionnelle — Possibilité d’obtenir une exemption — Un accusé peut‑il obtenir une exemption constitutionnelle en vertu du par. 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés à titre de réparation dans une situation particulière où la peine d’emprisonnement minimale est jugée constituer une peine cruelle et inusitée interdite par l’art. 12 de la Charte? — La réparation appropriée consiste‑t‑elle à déclarer en vertu de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 que la disposition législative prescrivant cette peine est incompatible avec la Charte?

4. Commentaires et compléments
Les objectifs et principes de détermination de la peine sont énoncés aux art. 718 à 718.2 du Code criminel.
La décision comprend une intéressante discussion sur la différence des recours prévus aux aa. 24 et 52 de la Charte.

5. Lien avec les modules du cours
Le Code criminel est présenté au module 4.
Le sentencing ou partie du droit pénal relatif aux peines est brièvement abordé au module 18.
Les tribunaux et leur rôle font l'objet du module 7.
La hiérarchie comparée des sources du droit est illustrée dans le document IGD/37 Sources du droit : autorité et application comparées.



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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval