Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

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Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

lundi 19 mai 2008

É.D.I.T./ 24-2008 Loi sur les jeunes contrevenants invalidée

Le 19 mai 2008

1. Extrait du bulletin de nouvelles de Radio-Canada, du 17 mai 2008 :

«La Loi sur les jeunes contrevenants invalidée


La Cour suprême du Canada a invalidé, vendredi, la loi faisant en sorte
qu'un adolescent coupable d'un crime grave soit automatiquement traduit
devant un tribunal pour adultes.

Depuis l'adoption de cette loi en 2002, le jeune accusé devait prouver
qu'il devait être traité comme un jeune contrevenant. On présumait
automatiquement que, dans le cas d'un crime grave, il devait écoper d'une
peine pour adulte.

Avant 2002, c'était à la Couronne de démontrer que le jeune devrait être
considéré comme un adulte.

Par une décision serrée de 4 contre 5, les juges ont donc décidé que c'est
à la Couronne que revient le fardeau de la preuve, c'est-à-dire de
démontrer qu'une sanction d'adulte doit être appliquée à un jeune.

Cette décision implique une remise en question du système de justice
criminelle pour adolescents.

Il s'agit d'un pavé dans la mare pour les conservateurs de Stephen Harper
qui veulent des peines plus sévères pour les jeunes contrevenants.

À la lumière de ce jugement, plusieurs provinces devront aussi revoir le
traitement accordé aux délinquants de moins de 18 ans.

Ce jugement n'aura toutefois pas d'effet immédiat au Québec, où les
mesures ont été contestées par le gouvernement et n'ont jamais été appliquées.

Les mesures jugées illégales par la Cour suprême avaient été adoptées par
les libéraux de Jean Chrétien en 2002.

La décision partagée a été rédigée par la juge Abella. Les juges
Rothstein, Bastarache, Charron et Deschamps sont dissidents.

Rappel des événements

À Hamilton, en Ontario, le 13 décembre 2003, un jeune âgé de 17 ans a
agressé un autre jeune, âgé de 18 ans, qui avait refusé de se battre.
L'intimé l'a alors frappé au cou et au visage. La victime s'est écroulée
et l'intimé a continué de la frapper, lui assénant quatre autres coups de
poing au visage et au cou. La victime a perdu connaissance et est morte le
lendemain.

L'autopsie a révélé que les coups avaient été la cause directe de la mort.
Au moment de l'agression, l'intimé était sous le coup de deux ordonnances
de probation.

L'adolescent a plaidé coupable d'homicide involontaire et le ministère
public a demandé une peine de cinq ans, applicable aux adultes, en raison
de la gravité de l'infraction. Une peine pour adolescent est d'un maximum
de trois ans.

Toute la question était donc de savoir quelle peine serait infligée au
jeune homme.

Le jeune a plaidé que le renversement du fardeau de la preuve violait un
droit de justice fondamentale, un droit prévu par la Charte des droits,
c'est-à-dire le droit à la présomption de culpabilité morale moins élevée.

Si les peines sont moins élevées pour les jeunes contrevenants que pour
les adultes, c'est qu'on juge que la culpabilité morale est moins élevée
chez les jeunes, ces derniers ayant moins de jugement et de maturité. Si
on inverse le fardeau de la preuve, on écorche donc ce principe de justice
fondamentale.»

2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision R. c. D.B., 2008 CSC 25,
[http://csc.lexum.umontreal.ca/fr/2008/2008csc25/2008csc25.html]
rendue le 16 mai 2008. Elle compte 192 paragraphes.


Les questions que la Cour devait trancher
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droit à la liberté — Justice
fondamentale — Dispositions portant inversion du fardeau de la preuve —
Détermination de la peine — Adolescents — Infractions désignées — Peines
applicables aux adultes — Perte de la protection de la vie privée offerte
par une interdiction de publication — Loi sur le système de justice pénale
pour les adolescents obligeant l’adolescent déclaré coupable d’une
infraction désignée à démontrer pourquoi il n’y a pas lieu de lui infliger
une peine applicable aux adultes, au lieu d’une peine spécifique, et
pourquoi il y a lieu d’interdire la publication — L’imposition de ce
fardeau à l’adolescent porte-t-elle atteinte au droit de celui-ci de
n’être privé de sa liberté qu’en conformité avec les principes de justice
fondamentale? — Dans l’affirmative, l’atteinte est-elle justifiable? —
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 7 — Loi sur le système
de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1, art. 62, 63,
64(1), 64(5), 70, 72(1), 72(2), 73(1), 75, 110(2)b).



Droit criminel — Détermination de la peine — Adolescents — Dispositions
portant inversion du fardeau de la preuve — Infliction d’une peine
applicable aux adultes dans le cas d’une infraction désignée — Perte de la
protection de la vie privée offerte par une interdiction de publication —
Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents obligeant
l’adolescent déclaré coupable d’une infraction désignée à démontrer
pourquoi il n’y a pas lieu de lui infliger une peine applicable aux
adultes, au lieu d’une peine spécifique, et pourquoi il y a lieu
d’interdire la publication — Les dispositions portant inversion du fardeau
de la preuve sont-elles conformes à la Constitution? — Charte canadienne
des droits et libertés, art. 1, 7 — Loi sur le système de justice pénale
pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1, art. 62, 63, 64(1), 64(5), 70,
72(1), 72(2), 73(1), 75, 110(2)b).

3. Le résumé préparé par SOQUIJ dans La Dépêche du 17 mai 2008

Les dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les
adolescents relatives au fardeau de la preuve, qui font partie du régime
d'infractions désignées et qui obligent l'adolescent déclaré coupable
d'une infraction désignée à démontrer pourquoi il devrait être assujetti à
une peine spécifique plutôt qu'à une peine applicable aux adultes, ainsi
que celles en matière de vie privée, qui traitent de la perte de la
protection de la vie privée offerte par une interdiction de publication
sont incompatibles avec l'article 7 de la Charte canadienne des droits et
libertés; dans la mesure où elles portent inversion au fardeau de la
preuve, elles sont inconstitutionnelles.
[C.S. Can.] AZ-50492171

4. Commentaires, questions

Lien avec le DI
Il est intéressant de noter l'influence du droit international en droit
interne.«Ce principe se reflète également dans les engagements
internationaux du Canada, notamment dans la Convention relative aux droits
de l’enfant des Nations Unies.» cf. §60, §85,
Le droit international est globalement présenté au module 9.

Vous avez remarqué que les juges Bastarache, Deschamps, Charron et
Rothstein sont dissidents en partie; la possibilité d'exprimer une
dissidence est une caractéristique de la magistrature dans notre système.
Elle est un corollaire de la collégialité, présentée au module 7.

5. Lien avec les modules du cours

Les sentences en général font l'objet d'étude en partie au module 18.
Le système de justice pénale pour adolescents fera l'objet d'une présentation plus détaillée dans le modules 19-21 (en cours de rédaction).

Qui êtes-vous ?

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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval